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Après une halte de quelques jours à Tachkent en Ouzbékistan, mon grand-père et les siens travaillent plusieurs mois dans un kolkhoze de production de coton, puis rejoignent la ville minière de Kök-Janggak au Kirghizistan. Nous sommes dans les années 1941-1942.
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Du Turkestan aux « Stans »
Ma famille va passer plusieurs années en Asie centrale. C’est d’ailleurs la région où, pendant la guerre, elle demeure le plus longtemps. Et bien des événements décisifs pour elle vont s’y dérouler, dignes à mes yeux d’un roman, comme vous le verrez bientôt.
C’est pourquoi, dans ce billet, je vous propose quelques repères pour comprendre son nouvel environnement.
Première question que je me suis posée : depuis quand cette région appartient-elle à l’URSS ? La conquête du Turkestan, comme on l’appelle alors, débute en 1865 avec la prise de Tachkent, cette même ville où ma famille fait halte presque un siècle plus tard. À la fin du 19e siècle, la domination russe est établie sur une grande partie.
En 1924, le commissaire pour les Nationalités, qui n’est autre que Staline, divise le Turkestan conquis en 5 républiques, 5 « Stan » : l’immense Kazakhstan, le Turkménistan, le Tadjikistan, et enfin l’Ouzbékistan et le Kirghizistan où ma famille va passer une partie de la guerre.
Qu’est-ce qu’un kolkhoze ?
Dans mon dernier billet, j’ai parlé du kolkhoze de production de coton où travaille ma famille. Je ne sais quasiment rien à son sujet : ni dans quelle région de l’Ouzbékistan il se trouve, ni comment se déroule le travail sur place, ni quel y est le quotidien des miens. Je ne sais rien non plus des kolkhozes de cette région. Je suis sûre que des universitaires se sont penchés sur ces aspects mais je n’ai pas réussi à les identifier. Je dois donc me contenter de rattacher la petite histoire de ma famille à celle des kolkhozes en général.
Comme mes cours d’histoire soviétique sont un lointain souvenir, j’ai dû revenir aux fondamentaux : qu’est-ce qu’un kolkhoze ?
Réponse : il s’agit d’une ferme collective, une coopérative où les outils, le bétail sont mis en commun. Si le kolkhoze a la jouissance de la terre, celle-ci appartient à l’État, qui prélève une partie de la récolte – fixant trop souvent des quotas inatteignables. Le travail manuel est organisé collectivement et les travaux mécaniques effectués par les machines prêtées également par l’État.
J’ignore si la culture du coton est alors mécanisée, et quelles sont les tâches auxquelles sont affectés les membres de ma famille. Mon grand-père et les siens doivent-ils ramasser la récolte à la main ou utilisent-ils des tracteurs ? Si ce kolkhoze ressemble à celui où se trouve au même moment Genia, la future femme de mon oncle Kuba, également en Ouzbékistan, c’est l’option la plus pénible qu’il faut retenir :
Je ne sais pas non plus s’ils travaillent ensemble ou s’ils sont séparés. Mon grand-oncle Kuba, âgé de 16 ou 17 ans, mes arrière-grand-parents, qui ont dépassé la cinquantaine, sont-ils mis à contribution ? Pour le premier, aucun doute là-dessus : s’il a durement travaillé à l’époque où il se trouvait dans la république des Komis ; si Genia au même âge et au même moment ramasse le coton à la main, aucun chance qu’il soit épargné.
D’ailleurs, dans le contexte de l’effort de guerre, l’URSS n’hésite pas à enrôler ces tranches d’âge dans l’industrie, qui connaît également, dans la même logique, une forte féminisation(1), comme le montre là encore l’exemple de ma grand-tante Genia.
La vie dans les kolkhozes
En travaillant dans un kolkhoze, ma famille vit alors l’existence banale d’une famille de paysans soviétiques : quand elle arrive en URSS, la collectivisation de l’agriculture est à peu près achevée et le kolkhoze s’est généralisé. Il existe cependant une différence. Ainsi, depuis 1935, les paysans sont autorisés à cultiver une parcelle attenant à leur maison et ont le droit de posséder du bétail dans des proportions déterminées. Ce n’est pas le cas de la famille, comme on le verra bientôt.
Et la la vie culturelle et éducative ? Ici encore, je ne peux que me raccrocher à des généralités. De nombreuses écoles rurales ont fait leur apparition et nombreux sont les enfants de kolkhoziens qui poursuivent des études secondaires ou entrent à l’université(1). Mais j’ignore si mon grand-oncle Kuba et mon oncle Samuel, en tant que Juifs polonais, ont le droit d’être scolarisés comme les autres enfants soviétiques.
Dans les mines de charbon
Après quelques mois passés au kolkhoze de coton ouzbek, nous retrouvons ma famille à Kök-Janggak au Kirghizistan, sans que je sache ce qui l’amène dans cette obscure ville minière. Si mon pseudonyme reprend le nom de cette ville que je ne sais même pas prononcer, ce n’est pas un hasard. Elle concentre des événements essentiels dans l’histoire de ma famille. Je pourrais dire que Kök-Janggak la reconfigure. Et la défigure, comme je l’expliquerai dans mon prochain billet.
Léa de Kokjengak
Découvrez aussi la biographie illustrée, la chronologie et la géographie des déplacements, ainsi que les vidéos dans les rubriques dédiées de « Pain au pavot de Varsovie ».
Merci Léa pour ce billet très intéressant et très instructif.
Contente que vous ayez trouvé cela intéressant, Jeanne ! Je craignais que ce billet soit d’une lecture un peu rébarbative.