Pourquoi Pain au pavot

Ce blog est le récit de l’odyssée de ma famille juive polonaise et mon carnet de recherche sur son histoire.

Je vous y fais aussi partager mes interrogations sur cet héritage. Deux générations plus tard, quelle est sa place et de quel poids pèse-t-il  ?

« Pain au pavot » ?

Vous l’aurez deviné : ce blog n’a pas pour but de vous faire partager ma passion pour quelque spécialité boulangère – aussi succulente soit-elle. Il est mon carnet de recherche sur l’odyssée de mon grand-père et des siens pendant la guerre. Quel rapport, me direz-vous ?

Quand j’étais enfant, mon grand-père avait pour plaisant rituel, lorsqu’il venait nous rendre visite, de nous apporter des spécialités ashkénazes. Pain au cumin, pain aux oignons et… bagels aux graines de pavot. Le pourtour des yeux de mon grand-père était incrusté de minuscules éclats noirs, héritage de la guerre. J’établissais un lien étrange entre les grains qui parsemaient le dodu pain en anneau et ses paupières piquetées. Comme si ces petits points noirs représentaient la quintessence de mon grand-père. D’où le nom de ce blog.

 

Qui suis-je ?

Comme je l’explique dans Le petit monde de Léa, vous ne trouverez aucun nom de famille sur ce blog. Ceci dans le but de préserver l’anonymat de mes proches. A cette même fin, j’utilise un pseudonyme. Ici et uniquement ici, je m’appelle Léa de Kokjengak.
Je dois avouer qu’écrire à nom couvert ne me déplaît pas, surtout lorsqu’il s’agit d’évoquer des événements personnels comme l’histoire de ma famille.
L’important pour « Pain au pavot », me semble-t-il, est de dire que j’appartiens à la troisième génération après la Shoah (voir plus loin « Pourquoi ce projet ? »).

 

Pourquoi mon grand-père ?

Mon récit s’organise autour de son odyssée. C’est lui qui a pris la décision de quitter Varsovie en 1939, et qui a emmené sa famille avec lui.

Avions-nous une relation privilégiée ? On ne peut pas dire cela. Ce petit bonhomme au large sourire ne recherchait pas l’intimité. Je n’ai pas tenté de passer outre cette distance. Alors ? Il m’a semblé important de rassembler le puzzle de son histoire, épars dans mon esprit. Comme par un fait exprès – mais il me semble qu’il en est souvent ainsi –, il n’est plus là pour m’aider à le faire.

 

Pourquoi ce projet ?

Quand j’aborde un nouveau billet, je n’ai pas toutes les informations en main. Je cherche tout en écrivant, j’écris tout en cherchant. Rédiger me conduit aussi à me poser des questions que je ne m’étais pas formulées.

Pourquoi dépenser tout ce temps et cette énergie ? J’ai le sentiment que cela m’aide à asseoir mon identité. Que cette idée soit illusoire importe peu à présent. J’ai eu envie de relever le gant contre l’oubli, l’idée qu’il est impossible de dater et situer les événements. Et me suis prise au jeu.

Ce projet n’est pas seulement un récit. C’est un carnet de recherche. J’y explique comment je procède pour avancer. Cercles de généalogie, voyages, rencontres, livres, archives, sites internet… l’idée est de vous exposer ma manière de progresser.

 

Pourquoi partager ?

Je n’ai pas trouvé tant de récits, documents, témoignages de personnes dont l’histoire, les lieux traversés, se rapprochent de l’expérience de mon grand-père. En offrant une visibilité à son histoire, j’espère donner envie à ceux dont la famille a connu une expérience proche de la partager ici.

L’itinéraire de mon grand-père m’apparaissant relativement singulier, pour la raison que je viens d’évoquer, il me semble aussi qu’il a un intérêt à être retracé. Même si l’on ne peut parler de témoignage puisque ce n’est pas lui qui raconte mais moi, sa petite-fille.

Une partie de ma famille a été victime de la Shoah. Elle a profondément affecté le reste de ses membres. Il m’est difficile de croire que cet événement fondateur dans la vie de mon grand-père, de ma mère, ne les a pas façonnés et n’a donc eu aucune répercussion sur moi. Je pense n’être pas seule dans mon cas. Et je pense qu’il en est ainsi pour toute personne dont les ascendants ont connu des événements terribles  – génocide, guerre… N’hésitez pas à me laisser vos commentaires.

Ni leçon de vie, ni idéalisation

Je ne nie pas que, parfois, les épreuves renforcent. Mais croire que c’est toujours le cas me semble relever d’une grande naïveté. Mon grand-père n’était pas malheureux, me semble-t-il. Il ne m’a jamais paru dépressif. Mais il ne se caractérisait pas par une détermination à prendre sa part de bonheur, une envie d’entreprendre particulières, issues de ces épreuves traversées.

Un autre écueil est l’idéalisation. Mon grand-père a pris des décisions, souvent bonnes. Toutefois, le hasard a eu sa part. Il s’est montré courageux. Mais il n’était pas un héros, pas plus que ceux qui l’accompagnaient. Ce qui ne m’empêche pas d’être impressionnée par les épreuves qu’ils ont traversées et dont ils sont venus à bout.

Un hommage

A Paris, mon grand-père menait une vie sans grand fracas ni étincelles. Il n’était pas homme à se pousser du col. Mais je pense qu’une reconnaissance de ses mérites lui aurait fait plaisir. « Pain au pavot » vient trop tard. Pourtant, un tel hommage ne me semble pas inutile.

Ce blog est aussi une façon de faire une place aux disparus, pour reprendre le titre du roman de Daniel Mendelsohn. Ces disparus de ma famille sont :

  • Etel Soura et Fichel, les parents de ma grand-mère, restés à Varsovie ;
  • ses sœurs, Manye, Tseche, également restées sur place ;
  • la fille de Manye, demeurée avec elle ;
  • une autre sœur installée à Sarrebruck ;
  • peut-être un frère dont l’identité s’est perdue.

Ils n’ont pas de sépulture connue mais au moins leur existence est-elle ici évoquée.